Je suis de retour à Phuket.
Nous sommes le 11 novembre. Ce matin le ciel est voilé, la température ne dépasse pas un très raisonnable 25°C et il y a une petite brise qui fait bruisser les palmes des cocotiers juste à côté.
La saison touristique commence tout juste et l’ambiance est bien plus détendue qu’en Mars. Les Thaïlandais qui travaillent ici savent qu’ils vont faire leur beurre dans les mois qui viennent. Leurs bonnes dispositions naturelles n’ont pas encore été balayées par le tsunami annuel de touristes aux exigences sans fin.
Me reposant sur la petite terrasse qui donne sur la piscine de mon hôtel favori, je prends quelques notes dans un calepin tandis qu’à côté de moi T** est avachie dans une chaise de jardin en train de sécher ses longs cheveux noir de jais et d’y chercher des fourches. La peau brune de ses jambes et de ses bras fait un contraste saisissant avec le blanc aveuglant de la serviette éponge dans laquelle elle s’est drapée. Nous sommes tout les deux souriants et détendus, moi parce que je suis heureux en sa compagnie et elle, aller savoir, peut-être bien parce qu’elle est Thaïlandaise et peut-être aussi parce qu’elle aime bien m’avoir de nouveau comme client. « Bon pour moi » a-t-elle dit quand je l’ai informé que je devrais rester une semaine.
Eh oui, c’est reparti pour un tour avec la même chérie de la province d’Udon Thani et nous avons repris notre improbable et tacite relation là où nous l’avions laissé quelques mois auparavant.
De nombreuses personnes bien intentionnées m’ont conseillé de ne pas la revoir et de ne pas tomber amoureux d’elle. Certains ont conclu de mes précédents écrits que j’allais en baver. Mais je suis du genre obstiné qui n’en fait qu’à sa tête, et je me fie souvent à mon intuition, quelque fois contre toute logique.
En Mars j’ai passé quatre jours fabuleux avec elle. Je me suis fait une opinion à son sujet et il m’en ait resté une très belle image d’elle. Maintenant je confronte cette image avec ce que je voie… et je la retrouve, toujours aussi gracieuse, sexy, facile à vivre, futée, marrante…
Vous voyez T** n’attend pas l’homme de sa vie dans son bar, elle aime sa vie indépendante et libérale. Elle a des projets d’avenir, ouvrir un centre de massage ou un magasin avec ses économies, mais elle n’est pas pressée, parce qu’à chaque fois qu’elle consulte un diseur de bonne aventure la prédiction est toujours la même : elle devra attendre son quarantième anniversaire pour avoir tout ce qu’une femme désire : une maison, un mari, des enfants… et à vingt-six ans elle est une vraie croyante qui sait que ça ne sert à rien de vouloir forcer le destin. « Bon pour moi ».
Il serait hasardeux et injuste d’essayer d’en faire le portrait parce que 80% des Thaïlandaises du même âge venant de l’Isaan pourrait coller à ma description : de petite taille, une peau couleur bronze, des pommettes saillantes, des cheveux noirs de jais et des yeux en amande.
Ce qui me frappe le plus chez elle, c’est la symétrie et l’équilibre de son corps : de loin je ne peux pas dire si elle est grande ou petite, et quand elle porte ses mules à talons hauts ses jambes semblent interminables. Elle a un joli visage qu’elle sait mettre en valeur tout simplement en arrangeant sa coiffure et comme de nombreuses Thaïlandaises elle porte si bien ces grandes boucles d’oreille.
Elle est en forme parce qu’elle mange et boit modérément et aussi parce qu’elle fait de la gym à chaque fois qu’elle le peut, à la salle de fitness locale ou dans sa chambre, une bouteille d’eau dans chaque main en suivant une émission à la télé.
Elle s’habille plutôt de façon sage et vous pourriez la confondre avec une touriste. Elle est le genre de fille que vous ne pouvez pas embrasser sur la bouche ou peloter en public, « nous ne sommes pas au lit » vous dirait-elle pour vous calmer tout en vous rappelant ce qui vous attend.
Quand elle rit ses yeux se rétrécissent encore plus, ce qui lui donne un air malicieux qui est si irrésistible que vous ne pouvez pas vous empêcher de sourire aussi. Je vois bien que son corps n’est pas parfait… Mais je l’apprécie pour tout ce qui la différencie de cette image qu’on veut nous imposer de la femme idéale, et quand vous acceptez ces soi-disant imperfections je suis conscient que l’amour n’est pas loin.
Qu’est-ce que l’amour a à avoir là dedans ?
Il y en a qui pense que l’amour est un petit territoire avec des frontières bien définies et qui peuvent être représentées par un cœur, où tout ce qui n’est pas à l’intérieur est une zone interdite. Il y en a qui croit que l’amour légitime ne peut pas coexister avec le hors-la-loi, qu’il doit être mérité… Mais d’autres croient que le cœur d’un homme est comme une forêt où de petits arbrisseaux poussent et vivent en harmonie dans l’ombre d’un grand arbre…
Suis-je amoureux ?
Là maintenant… ? Bien sûr que oui ! J’ai choisi cette fille parce qu’elle est à mon goût et parce qu’elle satisfait mes besoins. J’ai l’étrange certitude que si une catastrophe arrivait et que je sois forcé de rester ici pour toujours, je pourrais en faire ma compagne.
Vous voyez, ces vacances en Thaïlande peuvent être comparées au fait de regarder un film.
À l’arrivée à l’aéroport j’ai mis en sourdine mon sens critique. Le spectacle peut maintenant commencer, et pour la durée du film je m’autorise à me laisser prendre par l’histoire, et même à tomber amoureux…
Mais alors que le douanier retamponne lourdement mon passeport, le mot « FIN » apparaît en lettres blanches éblouissantes sur l’écran noir et ma vie normale reprend.
Bon d’accord, pendant les jours qui suivent je vais me repasser les meilleurs moments. Je pourrais même rejoindre un fan club pour que le film continue encore un peu, ou je pourrais même écrire pour partager mon expérience, mais le film n’en est pas moins fini.
L’hôtel où je suis descendu n’est pas luxueux, mais pour 1800 THB par nuit vous avez une chambre de 40 m2 propre et bien rangée, avec un grand lit, un climatiseur, un ventilateur au plafond et une télé extraplate toute neuve avec plein de chaînes musicales qui proposent des programmes de Luk Thung et de Morlam sur lesquels vous allez vous éclater avec votre teerak. Il n’y a rien de mieux pour la mettre d’humeur festive et j’aime beaucoup l’écouter et la regarder chanter en play-back et faire danser ses mains, avec de temps en temps une petite pause où elle m’explique très sérieusement de quoi parle la chanson :
« Elle, son cœur est brisé. Lui, il a plein de copines. Humm… Tu as combien de copines ? »
« Celle là c’est en parler du Sud, pas de l’Isaan… »
Cet hôtel est un bâtiment de deux étages en forme de U autour d’une piscine et d’une terrasse ombragée par des cocotiers d’où tombent parfois un serpent vert, pile sur votre chaise longue. Considérez que c’est un bonus gratuit ! Pas la peine d’aller au zoo ! Les cris et la panique des clients qui prennent leurs jambes à leur cou est un spectacle en soit, et je ne parle pas du massacre du pauvre reptile inoffensif à coup de perche en bois longue de 5 m par un agent d’entretien terrifié.
À la réception les filles vous informent de bonne volonté et elles peuvent répondre pratiquement à n’importe quelle demande. C’est là que j’ai appris que si je ne meurs pas de la morsure de ce serpent alors c’est qu’à a coup sûr il n’est pas venimeux !
1800 THB peut sembler cher pour la Thaïlande, mais en France je devrais débourser trois fois cette somme pour le même niveau de prestation. Qui va s’en plaindre ? Certainement pas moi !
J’ai passé la nuit dernière à Patong, l’endroit le plus touristique de l’île de Phuket.
Vous savez cet endroit où vous pouvez manger un bon poisson bien frais dans un restaurant de plage.
Le sable tiède et fin sous vos pieds nus surclasse toute moquette.La douce brise venant de la mer qui rafraîchi votre dos surclasse tout climatiseur.
Le ressac surclasse toute musique d’ambiance aussi feutrée soit-elle.
Les éclairs silencieux et sporadiques là-bas très loin au dessus des collines boisées surclassent tout éclairage d’ambiance aussi sophistiqué soit-il.
L’élégante et souriante serveuse en sarong qui semble se déplacer en glissant quelques millimètres au dessus du sol surclasse tout garçon de café Parisien.
C’est un endroit où vous pouvez apprécier de manger pour ce que ça devrait toujours être : nourrir le corps tout en satisfaisant le goût et les Thaïlandais ont de très bonnes recettes pour satisfaire les deux. Bien sûr je suis entouré par de nombreux autres touristes qui font du bruit. Mais heureusement pour moi, après un Gin Tonic je flotte dans ma propre bulle et je suis si détendu en racontant les secrets de ma vie à mes amis que les gens aux autres tables ne sont qu’un bruit de fond. Et de toute façon, je ne comprends pas un traître mot de se qui ce dit à côté, et ces gens ont aussi le droit d’être contents, même de façon bruyante !
Patong décrite dans je ne sais quel guide touristique futé comme étant « surpeuplée, débauchée… » Eh bien, les gens qui ont écrit ça ne travaillent pas de longues semaines dans la campagne profonde chinoise où vous pouvez vous gaver de toute la tranquillité et de tout le pittoresque que vous voulez pour tenir jusqu’à la fin de vos jours.
Après le dîner je suis allé au Soi Bangla. Là, vous pouvez aller aux bars et boire, chanter, rire, jouer à des jeux ou voir des spectacles érotiques dans un gogo, c’est vous qui voyez. Il y a tellement de filles, de toute taille, âge, couleur de peau qu’il est certain qu’il y en aura une pour vous taper dans l’œil.
Ces filles pourraient en remontrer à n’importe quel psy, parce qu’elles ont le pouvoir de vous faire croire que vous êtes le centre du monde. Je ne sais pas comment elles font, peut-être bien qu’elles lisent dans les esprits, mais elles ont le chic pour vous dire ce que vous voulez entendre au bon moment.
Bon d’accord, j’admets que j’exagère un peu et que je suis influencé par ce que j’ai lu récemment. Quelques fois elles en ont des sévères du genre « oh tu as un bébé » en tapotant votre bedaine. Mais avant que vous ne commenciez à en prendre ombrage, et réagissant à la vitesse de l’éclair, elle va vous dire « je rigole » en partant d’un rire si contagieux que vous ne pourrez que lui pardonner.
Elles savent aussi se taire, ce qui n’est pas la moindre des qualités, et écouter vos divagations. Même si elles n’ont pas la plus petite idée de ce quoi vous parlez, elles récompensent votre éloquence par un doux sourire… C’est si bon d’être entouré de gens qui vous supportent et vous comprennent n’est-ce pas ?
Tandis que je me frayais un chemin parmi les rabatteurs, les touristes ventripotents, les tapineuses et autres katoyes qui pullulent dans Soi Bangla, je me demandais encore s’il fallait que je parte à la recherche de T** ou pas. Il va de soit que je ne l’avais pas prévenue de mon arrivée, la surprise donnant toujours un avantage, et cette après-midi j’ai eu une formidable expérience de massage à l’huile avec une jeune femme qui voudrait bien passer la nuit avec moi.
Alors je me suis dirigé vers le Marguarita qui est un bar ouvert sur l’extérieur juste dans l’angle du soi, en face de Hard Rock A Gogo.
Les seules filles que vous y trouverez sont les serveuses, et elles n’ont pas été pas spécialement sélectionnées en fonction de leur beauté, et les clientes, teerak ou occidentales, qui viennent avec leur homme.
Il y a une petite piste de danse en face d’un groupe de musiciens qui connait tous les classiques et vous pouvez même écrire votre chanson préférée sur un petit bout de papier si vous voulez qu’ils l’interprètent.
Les clients sont sympas et accommodants, vous pouvez changer de chaise ou de table sans faire trop d’histoire, et il n’est pas exceptionnel que l’on trinque par-dessus les tables, un « à ta santé » répondant à un « kan bei ».
Cet endroit me semblait idéal pour digérer tranquillement tout en feuilletant un exemplaire dédicacé de « Jasmine Fever », le dernier livre de Frank Visakay, tout en sirotant cette boisson sensuelle qu’est le Gin tonic.
Alors que je sens la présence réconfortante de T** à mon côté, le déroulement de mes souvenir est interrompu et je me demande où d’autre serait il possible de s’envoyer en l’air deux fois en l’espace de quelques heures avec deux femmes différentes qui se comportent comme le ferait votre amoureuse, voire mieux, si ce n’est en Thaïlande ?
Tout pourrait-être pour le mieux dans le meilleur du monde si mon frère n’avait pas été contraint de rester à Hong Kong avec une fièvre de cheval. Si son état empire je vais devoir interrompre mes vacances et retourner à la maison.
Ma teerak est maintenant satisfaite avec ses cheveux, elle se lève de la chaise silencieusement et elle passe devant moi en balançant légèrement ses hanches. Elle s’arrête sur le pas de porte de la chambre, me jette un coup d’œil pour s’assurer que je regarde et elle dénoue sa serviette. Vous comprendrez que je dois arrêter la rédaction de ce journal tout de suite. Je me demande bien comment les choses vont évoluer avec elle dans les prochains jours.
L’auteur peut être contacté à : [email protected]
C’EST QUE ÇA M’A DONNÉ SOIF D’ÉCRIRE TOUT ÇA ! VOUS VOYEZ LE BOUTON « BUY ME A BEER » SUR LE CÔTÉ GAUCHE DE L’ÉCRAN ? IL SERT À QUOI À VOTRE AVIS ?